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Quand je ne la ferme pas, je l'ouvre.
1 mai 2005

Nos amis les cons

Depuis 2003, je suis membre d'un, comment appeler ça, "forum" (si tant est qu'on le considère comme une place du marché où l'on ne vendrait que des idées rances et du poisson pourri) appelé très joliement "f*france.com".

C'était suite à la lecture dans le Monde de l'époque d'un petit article parlant du sentiment anti-français aux Etats Unis, et de sa visibilité sur le Web.

A l'époque, je planifiais un long voyage aux Etats Unis avec ma douce et délicieuse, et je me disais que, tiens, ça serait un bon moyen de pratiquer l'Anglais.

Et, de fait, j'ai fait de grands progrès. L'avantage de lire de longs articles écrits par ce qu'on pourrait considérer des tarés d'extrême droite est qu'on est forcé de lire attentivement, afin d'en relever toutes les absurdités, en évitant de devenir dans sa réponse un lapin idéaliste sur lequel une bande de chasseurs tirerait au M16.

Assez bizarrement, j'en ai conçu une propention à écouter plus attentivement les idées qui me font vomir. Une sorte de masochisme qui doit me venir de ce fameux mai 2002, où je m'étais consacré à la lecture exhaustive du pavé représentant le programme du Front National (vu leur plaisir manifeste à pondre des programmes au poids, je suis surpris de leur dédain pour le traité constitutionnel européen).

Deux ans après, qu'ai-je retenu et appris de cette participation à ce forum?

Déjà, que c'est toujours édifiant de se retrouver en présence virtuelle d'individus dont on a tendance à croire, à force de ne jamais en rencontrer, qu'il n'existent que dans un autre monde.

Que la haine est un marché porteur.

Que plus on est d'extrême droite, plus on est porté sur la pornographie.

Que la communication semble réellement impossible.

Maintenant, calmons-nous. Il s'agit là d'un forum, à priori le plus actif du genre, dont le nombre de membres doit culminer aux alentours de cent. Pas de représentativité à voir ici, même si fort logiquement les américains républicains y déversent là en même temps que leur bile l'incessante affirmation que le monde entier, à savoir inclus entre le Canada et le Mexique, "hait la France, l'ONU, les Démocrates, et les musulmans".

Mais bon, prenons le temps, histoire d'halluciner, de lister certains thèmes récurrents.

D'abord, les insultes. "Frog", "Socialists", sont des classiques amusants par leur absurdité. "Surrendering monkeys" ("singes qui se rendent") semble relativement nouveau. Il faut savoir qu'une de leur blagues favorites est "Qu'est ce que fait un Français devant l'ennemi : avant l'attaque, il lève les bras et crie "je me rends !". Rendons-leur justice : la ligne Maginot.

Ecartez les enfants, ça va devenir plus grave.

J'ai découvert une idée que je ne connaissais pas, même après m'être documenté sur le FN (même eux n'oseraient pas), qui est que la France et même l'Europe sont devenus musulmans. D'où les appelations "Frogistan" et "Eurabia". Donc, sans honte et pour cette raison, ils préconisent régulièrement l'anihilation, si possible avec l'aide militaire de George. Les termes "deportation" et "Kill them all" reviennent souvent. Mais n'aller pas les traiter d'antisémites. Non, les juifs d'Israël sont contre les musulmans, eux, ça va.

Bon.

Car évidemment, quand ils n'embrassent pas un portrait de Bush devant les caméras occidentales, tous les "muzzies" sont des terroristes. Et de préconiser des solutions que Mac Arthur ne renierait pas (tiens, celui-là, c'est un héros, vous saviez ça?).

Bon. De là, imaginez tout un tas de variations avec des adjectifs plus ou moins sexuels, et vous avez l'idée.

Par contre, j'ai été surpris par des comparaisons que je pensais au début de simples insultes gratuites. Dire de Chirac qu'il est un socialiste était déjà amusant, mais il y a un argumentaire : ben oui, il a toujours pas supprimé tous les droits sociaux (pourtant, il y travaille, ils devraient s'en rendre compte), donc il est socialiste.

Plus encore, saviez-vous que Hitler était un dictateur de gauche ? Un communiste ? Déjà, y a "Socialiste", dans "National Socialiste". Par ailleurs, son régime politique supposait un état fort, comme les gens de gauche (démocrates, marxistes, etc.) le veulent. Exemple : la sécurité sociale généralisée est une idée Nazie.

Je croyais sincèrement que c'était une blague, mais non. C'est extrêment argumenté.

J'ai même lu qu'Isaac Rabbin était un nazi.

N'importe qui à ma place aurait fermé la page en se disant que le Web était un fourmillière de conneries, quand même. Mais je rappelle que je désirais pratiquer mon Anglais, et que, pour une fois que je peux "discuter" avec des vrais cons, des estampillés, des vrais de vrais, du terroir et tout et tout, je vais pas me priver.

Argumentant sur l'écologie, j'ai appris que le CO2 dégagé par les automobiles était bon pour les arbres (suis-je bête : ça améliore leur photosynthèse...). J'ai aussi appris qu'en effet l'intervention en Irak avait un but d'appropriation de son pétrole, afin de financer la lutte pour le monde libre, sous entendu de tous ces socialistes qui ne font rien qu'à créer de nouvelles taxes pour empêcher de s'enrichir tranquillement.

Un des avantages indéniables de ce genre de cons, c'est qu'ils sont "tout en un". Chaque nouvel argument sur n'importe quel sujet est une bêtise de plus. Je ressents de la satisfaction de les voir idéalistiquement homogènes. Ca me rend moi-même homogène, mais du bon côté...

Là, j'ai mis ça pour montrer que ça fait pas du bien à la tête, ce genre de forum. On est très vite tenté par la distinction binaire. Les méchants, les gentils. Pas très glorieux, comme enseignement.

D'abord, je me suis rendu compte que le chauvinisme est une maladie contagieuse. Je me suis très vite soigné, après avoir relu ce que j'avais écris sur la crise en Côte d'Ivoire, où je me suis retrouvé à défendre la politique française en Afrique. Oui, je suis tombé aussi bas. Je me suis fait une cure de Daniel Mermet, et ça va mieux, merci.

Depuis, il m'est arrivé moi aussi de poster des sujets critiquant la France. Histoire d'être plus près de mes opinions, plus nuancé. Ainsi, j'ai écris un petit texte où je m'indignais d'un projet de loi Français qui désirait qu'à l'école, on présente la France sous un jour plus positif dans son rôle de colonisateur.

Quelle ne fût pas ma surprise de les voir tout à coup modérés, indulgents avec nos chers députés ! Celui qui disait dans un autre sujet que les Français étaient tous des Nazis pendant la guerre, et le sont restés depuis par l'entremise de De Gaulle et Mitterand, défendait là le projet de loi, en disant qu'il ne voyait aucun problème dans le fait qu'un pays veuille se donner une image positive pour ses générations futures.

Bon, vous avez compris le fonctionnement.

Passons maintenant aux Français. Là, j'ai découvert mes premiers Chiraquiens. Intéressants. Pas mal de gauche modérés Un FN (qui s'est appelé lui-même "Austère"). Quelques "anti-français" (mais que fait Superdupont ?). Parmi eux, outre les frustrés de la communication, des cas intéressants, comme un indépedantiste Catalan.

Côté américain, basiquement des Républicains plus proches des "Minutemen" (les tarés qui préconisent le tir à vue pour freiner l'immigration clandestine) que de George. Quelques monomaniques de la pilosité supposée des Françaises et de l'odeur pestilentielles de leur compagnons, qui n'en sont pas, vu qu'ils sont tous homosexuels Deux Britanniques (De Gaulle avait raison!), un Hollandais. Quelques defenseurs, aussi. Deux trois Américains qui ont passé un bon séjour à Paris dans les années 80 et qui souffrent manifestement d'insomnie, un Cajun, deux ou trois Canadiens, un Australien (il a pardonné Mururoa, lui ?), un expatrié américain, quelques Européens.

Tout cela fait une faune assez rigolote, à la fin. Il est assez intéressant de noter que parfois, les Français forment une coalition et se mettent en grève (il ne parlent plus qu'un français intraduisible par Google, genre "toutfa son cédeutour feusètro dom brauzotre bildigne"). Ca agaçe prodigieusement les "French Bashers".

De tout cela, il ne sort rien, si ce n'est une piqure de rappel pour nous dire que la réalité, c'est ce qui fait mal quand on éteind l'ordinateur.

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