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Quand je ne la ferme pas, je l'ouvre.
12 décembre 2006

La post-synchro

A l'occasion de la sortie, pardon, de la mise en ligne d'un film amateur que j'ai sonorisé (et qui est visible et audible par là), un petit récit de ce que je me suis amusé à faire.

Arpentant les forums à la recherche de diverses choses (renseignements, questions auxquelles je pourrais répondre si possible par un lien vers mon p'tit site, trucs à voir et à entendre, etc.), il m'arrive de trouver des projets en cours en recherche de choses qu'en toute humilité je pourrais apporter.

Donc, voilà, un gars avait réalisé un p'tit film sur un coin de table, et s'était dit tiens, pourquoi pas y mettre du son ?
J'ai dit "ben j'peux essayer", et j'ai essayé. Et voilà.

Faut dire, le film en question, c'était du pain béni pour ma pomme : on y oscille entre un monde réel et un monde imaginaire (deux univers que d'office j'entends comme opposés), et tout ce qui se passe n'appelle que des petits sons (grincements, briquets, petits feus, etc.), assez faciles à enregistrer, assez rigolos à bidouilloter. En plus, le réa était plutôt relax au niveau de ce qu'il voulait : carte blanche, et amuse-toi bien...

Par ailleurs, et un peu parce que le réa en question pourrait par inadvertance passer par là, parce qu'il était plutôt pas mal foutu. Oh, y aurait toujours de quoi chipoter sur le montage, mais le zigue tiens son truc. Y a un univers, y a un style, y a aussi de la technique (ce genre de prise de vues n'est pas aussi facile qu'il n'y paraît), et puis ce genre de court m'a fait penser à une citation de je ne sais plus qui : "Si le cinéma, c'est comme du riz, alors le format court, c'est du Saké" (probablement un Japonais...).

Y a une histoire simple et percutante, c'est du cinéma.

Bon, revenons à ce qui (m') nous intéresse, c'est à dire moi :

Procédurier au delà du raisonnable, j'ai pris mes yeux, un papier, un crayon, et j'ai pris des notes. Je me suis refait un montage sonore, un peu à la manière du travail sur un film d'animation : diviser le film en séquences correspondantes à des évenements sonores.

Par exemple, le début va, hé bien, du début, jusqu'au moment où elle arrête de taper. La deuxième séquence correspond au moment où le personnage inspire, puis expire. La troisième correspond au moment où elle se remet à taper, la quatrième correspond au premier passage rêvé.

Idéalement (parce que je ne suis pas allé au bout du bout du boulot, faut dire, mais ce sera une raison de s'y remettre un peu un jour), chaque séquence comporte son caractère. La première est laborieuse (le personnage tape sur un clavier), la deuxième tendue (le personnage se concentre pour ne pas succomber à l'envie), la troisième est laborieuse à nouveau, la quatrième est onirique.

A chacune correspond une ambiance sonore différente : la laborieuse à les sons secs du clavier, quelques sons de rue forts, comme un camion qui passe. La tendue est plus silencieuse, concentrée autour de l'inspiration - expiration du personnage. La troisième revient sur les claquements secs du clavier, qui débouchent par surprise (d'ailleurs, j'ai gardé le même tempo) sur des tams tams dans la séquence onirique.

Bien sûr, le tout est lié par un ou des sons continus : le bruit de l'ordinateur et, dans une moindre mesure, l'ambiance de la rue.

J'aime bien ce genre d'approche (redécouper le script en séquences sonores) parce je trouve que ça fluidifie le montage. En ne mettant pas les coupures au mêmes endroits que l'image, le son agit un peu comme la deuxième couche de peinture : il unifie. Ensuite, il participe à la dramatique de la séquence en focalisant ce sur quoi on veut que le spectateur focalise.

Un exemple célèbre de ce genre de manipulation du spectateur par l'oreille (on y fait moins attention, c'est pour ça qu'on se fait souvent avoir...), c'est la séquence de la première rencontre de Richard Dreyfuss avec les extra-terrestres dans "Close Encounters" de Spielberg. La nuit est calme sur la route, il est bloqué dans son camion, cherchant où il est sur une carte, et soudain, le bruit des boîtes aux lettres secouées attire son attention. Et la nôtre.

Sauf que...

Ce n'est pas le bruit des boîtes aux lettres qui augmentent la tension, dans cette scène. C'est la disparition des grillions dans la bande sonore. C'est comme s'il y avait eu un zoom sonore sur les boîtes aux lettres, rejettant tout le reste du champ (sonore) aux oubliettes. Quelque chose se passe qui mérite toute notre attention. Et ces grillions ne reviendront que quand le personnage se réveillera de son expérience, très progressivement...

J'adore ça...

Mais bon, je ne suis pas l'ingé son de Spielberg (ou plutôt, pour cet exemple, Spielberg lui-même), alors bon.

Ceci dit, y a de l'idée dans la méthode, et réciproquement.

Autre avantage à cette méthode : ça facilite le boulot quand il faut lister les sons à prendre. Pouf, je note, j'enregistre, je pointe, et voilà, plus qu'à monter. Autre avantage encore : je réutilise pas mal de fichiers sons du début à la fin du film. Il doit y avoir cinq ou six sons de clavier, et la respiration nerveuse m'a servi à faire toutes les respirations du personnage. Pratique.

Bon, par contre, on aura compris que, du coup, je me sens plus à l'aise dans le réalisme teinté de p'tites manips que dans l'onirique. Et pour l'onirique, sans pour autant être tout à fait content du résultat, je me suis un peu arraché les cheveux.

La première séquence onirique parle de mouvement instinctif : allez hop, on se la joue tambours d'Afrique, retour aux sources de l'homme, aux rythmes shamaniques, que sais-je encore...

La deuxième, celle qui m'a le plus embarassé, parle de quoi ? Hé ben, je sais pas bien. L'hésitation, peut être. L'incapacité à prendre une décision. En plus, l'image à un "gros" effet, difficile de ne pas la suivre au son. En même temps pas vraiment claire du point de vue du sens, en même temps très directive...
Me voyant pataugeant, le réa a suggéré qu'on entende la chute du paquet de cigarette, comme point entre l'aller et le retour. Mon problème encore maintenant est qu'on ne le voit pas tomber, ce paquet.
Il aurait fallu que je sois un peu plus trip hop - DJ (les bons, ceux qui créent vraiment des sons) pour être à la hauteur de celle là. Ma principale faiblesse, c'est que sorti des effets genre reverb, écho, et un peu flanger, je sais pas faire.

Pour faire encore une analogie, si j'étais peintre, je suivrais le pinceau. Ben voilà, moi, c'est ce que que j'entends qui me fait aller de l'avant. Pour cette scène, il aurait fallu certainement créer complètement un son, et ça, je ne sais pas (encore ?) faire...

La troisième scène onirique, un peu comme la première, suit le thème : la séduction par la tentation. Une musique charmeuse de serpent (complètement grotesque, comme un fumeur en manque, tiens tiens...) s'imposait. Je me suis fait la réflexion que peut être un truc plus fin aurait conservé l'effet de surprise, quand le personnage tourne la tête vers le paquet de cigerettes et que l'image coupe brusquement... A creuser.

La dernière, conclusion des précédentes, s'imposait d'elle-même encore une fois : des sons caractéristiques et hyper-réalistes (au sens du courant d'art des années cinquante) accompagnés d'un p'tit son de vent qui habille la bande sonore histoire de ne pas la laisser toute nue.

Et puis, y a la fin, encore loufoque : l'ordi s'éteind brusquement, comme si c'était le personnage qui s'évanouissait. Ne reste qu'un son, qui symbolisait tout le long du film, son manque. Là, il n'existe plus que ça.

Si c'est pas un film à faire reprendre la cigarette, ça...

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